Parlons culture française !
En tant que prof de FLE, nous sommes appelé.e.s. à parler des aspects culturels de la vie en pays francophone. Mais il n’est pas toujours facile d’expliquer ses propres réflexes ou codes culturels, d’autant qu’on n’en a pas forcément conscience. Voilà pourquoi le regard sur la culture française d’autres francophones ou tout simplement d’étrangers ayant vécu en France peut nous être si utile ! C’est ce que propose le livre de Julie Barlow et Jean-Benoît Nadeau, « Ainsi parlent les Français » : une nouvelle perspective sur la conversation à la française qui met en lumière certains travers des habitants de l’Hexagone.
Pourquoi lire le livre ?
Cet ouvrage illustre bien le fait que parler une langue ne suffit pas pour se faire comprendre : la maîtrise des codes culturels est également très importante. Là où cela se complique, c’est que ces codes sont la plupart du temps utilisés de manière inconsciente par les gens du cru, quelle que soit la langue concernée. Difficile pour les professeurs de FLE français de les expliquer aux apprenants lorsqu’ils n’en ont pas eux-mêmes pris conscience. Ceux-ci courent alors le risque de se heurter à une porte fermée, tel le personnage principal du film Synonymes de Nadav Lapid. C’est pourquoi la lecture de ce genre d’ouvrages en général (et de celui-ci en particulier) peut s’avérer riche en enseignements utiles. En plus de vous divertir, il vous permettra de mieux comprendre (et ainsi d’être en mesure d’expliquer) certains aspects de la culture française, c’est-à-dire de vous-mêmes, si vous êtes français.
Les auteurs
Ces deux auteurs n’en sont pas à leur coup d’essai, puisqu’ils avaient déjà publié « Pas si fous, ces Français ! » en 2005 au Seuil, après un premier séjour en France. Et ils s’intéressent aussi à l’histoire du français dans « La grande aventure de langue française » et « Le français, quelle histoire ! ». Originaires du Canada, ils ont déjà deux séjours en France à leur actif.
Le livre : quelques anecdotes
Ainsi parlent les Françaisest divisé en deux parties : la forme et le fond.
La forme
C’est d’abord de l’indispensable « bonjour ! » qu’il est question : celui-ci vous ouvrira bien des portes. Il s’agit sans doute d’un mystère que deux nombreux étrangers n’ont pas encore élucidé et qui expliquerait la réputation de mauvaise humeur dont jouissent les Français : ces derniers sont ronchons vis-à-vis de de tous ceux qui ne commencent pas par saluer, une règle de base ignorée de nombreux touristes.
Une autre caractéristique française ? La propension à d’abord dire non pour se laisser le temps de réfléchir… il s’agit d’une stratégie et elle n’exclue pas la possibilité de se laisser convaincre par la suite. Encore faut-il le savoir et ne pas s’avouer immédiatement battu. Une scène décrite dans le livre pour obtenir une carte de transport sans le justificatif de domicile normalement exigé m’a rappelé de mauvais souvenirs personnels en Allemagne, tout en les éclairant : dans ce pays, non, c’est non, et on ne fera en aucun cas preuve de compréhension pour la particularité de votre situation… Dans ces moments, j’ai envie de crier « vive l’exception française ! »
Quelques observations peuvent également surprendre : apparemment, l’oral est bien plus encouragé à l’école qu’on ne le pense généralement en France même. J’avoue qu’il s’agit d’un sujet sur lequel je m’étais déjà posé beaucoup de questions. Vivant en Allemagne, où l’autonomie des élèves est encouragée, je me suis souvent demandée pourquoi je les trouvais plutôt dépourvus d’opinion personnelle au final… Et pas si à l’aise à l’oral en vérité. J’en étais parvenue à la conclusion que l’expression de l’opinion par écrit, encouragée par l’exercice de la dissertation, était bien plus formatrice que le fait d’encourager les élèves à poser des questions. Mais selon Julie Barlow et Jean-Benoît Nadeau, le système français encourage bien les questions : ils ont noté une nette propension de leurs jumelles à en poser beaucoup plus qu’elles ne le faisaient auparavant. Bref, l’école française a tout de même des mérites et me parait davantage favoriser la pensée autonome que d’autres systèmes, malgré le cliché de la discipline sévère censée y régner (ou peut-être grâce à lui ?). Malheureusement, il entraîne plus la capacité à s’exprimer (les auteurs remarquent que même les mendiants font des exposés en trois parties) qu’à communiquer… On n’écoute pas toujours l’autre et on coupe volontiers la parole.
Le fond
Encore une chose qui a étonné les auteurs : il convient (règle de politesse) d’offrir des sujets de discussion, donc des sujets polémiques, lors des dîners. Comme ils le remarquent, on parle volontiers d’art. Je me rappelle que dans le manuel Edito B1, aux éditions Didier, il y avait le témoignage d’une étudiante ukrainienne… Celle-ci trouvait les Français froids précisément parce qu’ils préféraient parler d’art plutôt que de sujets personnels. Serait-ce le smalltalk à la française ? C’est vrai qu’ainsi, on peut parler sans s’engager, sans être trop personnel… Ils étaient également surpris de la manière bon enfant dont tout le monde se disait au revoir après s’être empoigné au dessert.
Instructif
Toutes ces anecdotes m’ont semblé très intéressantes. Bien sûr, certaines pratiques culturelles m’apparaissent par défaut lorsque les pratiques allemandes (pays où je vis) sont différentes, où lorsque je voyage. Mais pas toutes, et les auteurs proposent parfois une interprétation très fine de telle ou telle attitude bien française. Bref, j’en recommande vivement la lecture !
Et vous ?
Peut-être avez-vous vous-même des anecdotes montrant ce que vos expériences à l’étranger vous ont apporté pour mieux comprendre la France ? Peut-être pouvez-vous parler de votre regard sur ce pays si vous venez d’ailleurs ? Ou encore sur un autre pays francophone ? Postez-les en commentaire ! Les lires me fera plaisir (et pas qu’à moi, j’en suis convaincue !).