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L’art de bien parler : pourquoi former tes apprenant·es de FLE à l’éloquence

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Comme la plupart des profs de FLE (ou de langue en général), tu voudrais aider tes apprenant·es à mieux s’exprimer à l’oral ? Ce n’est pas aberrant, dans la mesure où on dit apprendre à « parler » une langue ;-). Cependant, il faut reconnaître qu’améliorer l’expression orale de ses apprenant·es constitue un véritable défi, si ce n’est LE défi principal du prof de FLE (et de langue étrangère en général). Car quels outils nous permettent d’améliorer l’oral ?

Quels outils permettent d’améliorer l’oral ?

Dans mon master de FLE, alors que la didactique de l’écrit faisait l’objet d’un cours entier, celle de l’oral était à peine effleurée au détour d’un cours portant principalement sur l’analyse des interactions et des situations didactiques. Les quelques points abordés dans cette partie réduite à la portion congrue concernaient les supports et l’évaluation. Bref, pas vraiment de quoi permettre aux futur·es enseignant·es d’aider leurs apprenant·es à progresser. Juste de quoi les lancer et les noter. Le cadre est posé…

Dans la plupart des manuels de FLE, la partie consacrée à l’expression orale proprement dite semble assez réduite à en juger par la place qu’elle occupe. On peut objecter que les questions d’expression orale occupent peu de place écrite, mais un certain temps de l’heure de cours. Pourtant, si on échange bien tout au long de la leçon, il ne semble pas y avoir véritablement de progression. Car au final, il faut avouer que la progression des manuels en général est plutôt construite autour des contenus de grammaire et de l’acquisition d’un vocabulaire thématique par unité. Les concepteur·rices semblent partir du principe que l’expression orale s’améliore « automatiquement ».

Il existe également des ouvrages spécialisés, mais ceux-ci proposent plutôt des documents déclencheurs que des progressions guidées permettant de faire avancer la compétence orale de ses apprenant·es. C’est idéal pour un cours de conversation destiné à s’étirer dans le temps pour ne jamais prendre fin, mais c’est un peu frustrant pour un·e professeur·e qui prend à cœur son métier de transmettre et d’enseigner.

Bref, à part pratiquer encore et encore, on n’a pas vraiment de route à suivre, et le risque, c’est de se perdre en chemin et de tourner en rond sans jamais arriver à destination.

Sauter les étapes et travailler directement l’éloquence

Alors si on est à ce point de difficulté, pourquoi est-ce que je te parle carrément d’éloquence ? Cela semble être un problème concernant les personnes de langue maternelle, qui n’ont pas de problème pour communiquer dans leur vie de tous les jours, mais qui souhaitent, pour des raisons qui n’appartiennent qu’à elles, mieux convaincre leur entourage. Pas de quoi intéresser un·e apprenant·e de langue étrangère…

Eh bien détrompe-toi, car il se trouve que bien parler peut s’apprendre, comme le dit d’ailleurs Usul dans cette vidéo d’Ouvrez les guillemets sur le pouvoir de l’éloquence. Et si cet art s’enseigne, alors on peut s’inspirer de cet enseignement pour faire progresser aussi nos apprenant·es.

Mais comment convaincre nos apprenant·es de mettre la barre encore plus haut et de s’intéresser également au sujet ? Pour y arriver, on va choisir l’angle culturel. En effet, cette véritable passion française me semble être un authentique trait culturel : les Français·es sont tout simplement féru·es d’éloquence !

Et c’est à ce titre que tu vas pouvoir te permettre d’aborder ce sujet en cours sans provoquer de révolution dans ta classe (encore que, une révolution est justement l’occasion de tester son pouvoir d’éloquence). Tu peux ainsi non seulement évoquer un trait culturel bien français, mais faire d’une pierre deux coups en aidant tes apprenant·es à améliorer leur expression orale.

Un trait culturel français omniprésent dans les médias

En effet, que les avocat·es organisent des concours, cela peut se comprendre. Mais la plupart des Grandes Écoles (Sciences Po, HEC, etc.) aussi. Et maintenant, il y a même un grand oral au baccalauréat, une épreuve de prise de parole en public dont l’objectif est d’être clair et convaincant·e face à un jury. S’agirait-il donc d’une spécificité française ?

Les salons littéraires ont en effet une longue tradition dans notre pays. On y cultivait « l’esprit français », cet art de la conversation à la fois légère et spirituelle que Madame de Staël regrettait de ne pas retrouver en Allemagne, où tout le monde était si sérieux. Est-ce de là que vient cette grande passion française pour l’éloquence ?

D’ailleurs, la France entière s’est passionnée pour l’émission Le Grand oral, avec les tutos de Bertrand Périer (dont tu trouveras ici le livre : La parole est un sport de combat). Tu pourras même en regarder quelques extraits ici, même si on ne peut malheureusement plus voir les émissions dans leur intégralité : https://www.france.tv/france-2/le-grand-oral/.

Il y a aussi la chaîne YouTube de Victor Ferry qui cartonne. Ce YouTubeur, ancien professeur de rhétorique à l’université, y propose des vidéos décodant les discours et les débats politiques, mais aussi les outils utilisés par certains artistes comme Stromae ou Orelsan s’imposer face à des journalistes. Il propose de s’en emparer pour mieux faire passer son message.

Il y a encore la chronique de Clément Viktorovitch sur France Info, qui décode les discours (en particulier politiques) en proposant une analyse rhétorique. Tu pourras les trouver sur la chaîne YouTube de France Info. Clément Viktorovitch a également travaillé pour la chaîne de télévision Canal Plus et publié un livre : Le pouvoir rhétorique.

Personnellement, je n’ai pas connaissance d’émissions ou de chaînes YouTube semblables dans d’autres pays… En Allemagne, où je vis actuellement, on prend davantage la parole en classe, mais de manière moins structurée. Cependant, il existe des cours de rhétorique dans certaines universités. Moins prestigieux, l’art de l’oral y est tout de même présent.

Les concours d’éloquence

Ce même Bertrand Périer, qui nous propose donc ses « tutos » à la télévision, forme également les étudiant·es de l’université de Paris 8 (Vincennes-Saint-Denis) à la prise de parole en public. Il organise pour cela le concours Eloquentia. Tu trouveras un documentaire sur ce concours, avec des exemples d’activités à utiliser en cours de FLE dans un autre billet posté ici : Les concours d’éloquence à la française.

En effet, il me semble que cette tradition des concours d’éloquence peut avantageusement être utilisée en cours de FLE pour travailler l’oral. Une situation « authentique » dans le sens où ces concours existent réellement en France ! Comment ? En organisant un concours d’éloquence en classe !

Mais si tu trouves cette proposition trop ambitieuse, tu peux tout à fait aussi sélectionner une vidéo, par exemple parmi les chaines YouTube que je t’ai cité, l’analyser en classe pour travailler d’aborder la compréhension orale, puis essayer de faire avec tes apprenant·es les exercices proposés (Victor Ferry par exemple propose des exercices pratiques à son public). Les bénéfices dont je te parle maintenant seront les mêmes.

Les bénéfices de l’exercice pour tes apprenant·es

Ces exercices s’adressent, certes, à un public de langue maternelle. Cela dit, dans le cas du documentaire A voix haute réalisé en Seine Saint-Denis, ils concernent un public qualifié de « défavorisé » qui doit apprendre à adapter son niveau de langue, son vocabulaire et sa syntaxe à l’exercice. On n’est pas si éloigné d’un exercice de langue étrangère qu’on pourrait le penser à priori.

Et surtout, pense à la fierté de tes apprenant·es qui font en classe les mêmes exercices que des personnes de langue maternelle française ! Utiliser les exercices d’éloquence que même les personnes de langue maternelle française utilisent pour se perfectionner devrait motiver tes apprenant·es. Ce serait l’occasion de prendre confiance en soi et de s’habituer à des situations différentes de celles de la classe de langue classique, une étape indispensable avant de savoir « parler » hors de la classe, dans la rue, dans la vie de tous les jours.

Je te propose donc de t’inspirer de ceux proposés par Bertrand Périer. Tu trouveras dans cet article des exemples tirés du film documentaire A voix haute à utiliser dans ton cours.

Prof de FLE : ta mission, si tu l’acceptes

Le fait d’aborder les choses de cette façon présente encore un autre avantage, qui va au-delà de la classe de langue, de la maîtrise d’une langue étrangère et de la découverte d’un pays. C’est enseigner à nos apprenant·es le pouvoir de la parole et les outils qui peuvent leur permettre d’être plus convaincant·es également dans leur langue maternelle.

Car notre objectif est toujours d’aller plus loin que la classe de la langue et de donner aussi à nos apprenant·es des outils qui leur seront utiles dans un cadre encore plus large que celui de la « simple » utilisation de la langue étrangère.

C’est pourquoi je nous encourage, nous, enseignant·es de FLE, à enseigner la prise de parole en classe et à sensibiliser nos apprenant·es à ce que signifie être capable de prendre la parole en public !

Enfin, la prise de parole de nos apprenant·es enrichit la langue française de leurs visions et de leurs accents, comme le disait si bien Eva Joly dans son clip en réponse aux attaques sur son accent à voir ici.

Si je t’ai convaincu, va faire un tour sur ce billet, qui t’explique comment organiser un concours d’éloquence dans ta classe : : Les concours d’éloquence à la française.

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