Avec le confinement, nous, professeurs de français langue étrangère, avons été forcés (comme beaucoup d’autres) de passer à toute vitesse à l’enseignement à distance. Nous sommes sans doute partis avec des connaissances numériques plus ou moins pointues, mais nous avons certainement tous appris quelque chose !
Cherchons donc à faire le point sur ce qu’il est possible de faire dans ce modèle, sur ce qu’on y gagne, et peut-être sur ce qu’on y perd… L’idéal serait de conserver les avantages et les compétences acquises pendant la crise pour enrichir notre enseignement. Mais est-il souhaitable de continuer à enseigner en distanciel ? Certaines écoles y ont pris goût, pour des raisons, avouons-le, qui ne sont pas (toujours) didactiques. Un problème supplémentaire concernant les universités consiste en ce qu’elles doivent noter leurs étudiants, ce qui n’est pas toujours aisé à faire en ligne. Je vous propose tout de même de faire déjà le point et de nous demander honnêtement si l’efficacité est vraiment au rendez-vous.
Les structures s’équipent
Si vous travaillez pour une structure, vous avez certainement observé un véritable bond en avant en matière d’équipements numériques. Comme le dit Achille Mbembé à Xavier de la Porte (La fenêtre de la Porte), c’est sans doute la fin de l’ère prénumérique. Le LMS d’une de mes universités favorites (pour laquelle je travaille actuellement ;-)) a été étoffé au point de pouvoir accueillir les connexions en masse des étudiants qui y trouvent désormais le contenu de leurs cours : documents pour la plupart, mais aussi ressources Internet via des liens, des forums d’échange et peut-être même, si le professeur est technophile, quelques tests et exercices… La masse de ressources disponibles a explosé, car de nombreux enseignants d’université sont passés sur la plate-forme pour la première fois de leur carrière !
Le LMS gagne en importance
Dans beaucoup d’universités allemandes, on utilise Moodle comme LMS (Learning Management System). Est-ce le cas chez vous ? Cela m’intéresse ! N’hésitez pas à parler de votre situation dans les commentaires !
Avantages
Moodle a clairement de nombreux avantages et permet même sans doute (je n’ai pas encore testé, mais je pense que c’est possible) de proposer des cours entièrement en ligne. On y trouve des forums pour communiquer par écrit, mais des enregistrements audio et vidéo y sont également possibles. On peut y télécharger un grand nombre de ressources et proposer différentes activités, des devoirs à rendre aux tests en passant par les exercices autocorrectifs.
Difficultés
Quelques problèmes techniques subsistent, en tout cas dans l’expérience personnelle que j’en ai : les messages personnels sont très difficiles à consulter et les conversations se mélangent, les fichiers téléchargés ne sont pas toujours lisibles par les étudiants, en particulier les fichiers audio (même s’il s’agit de mp3 apparemment).
Personnellement, j’utilise de nombreuses fonctionnalités de Moodle depuis assez longtemps, mais je vois tout le monde autour de moi s’y mettre, et il est clair que là, on ne reviendra plus en arrière !
Zoom débarque à l’université
Pour faire cours en direct en distanciel, certaines universités allemandes ont choisi d’utiliser Big Blue Button, un système développé en Allemagne par la TU Wildau. D’autres ont fait le choix de Zoom. Comment cela se passe-t-il chez vous ? Utilisez-vous d’autres systèmes peut-être plus performants ? Dites-le moi dans les commentaires !
Zoom est un outil assez complet (voir ma vidéo sur le sujet) qui permet de partager l’écran de son ordinateur en réunion, et ainsi des fichiers de présentation ou de traitement de texte, des sites web, des vidéos, des audios. Il permet également de partager l’écran de son iphone ou ipad, lorsqu’on veut montrer des applications. Il permet encore de partager un tableau blanc sur lequel on peut écrire et dessiner ensemble. La fonction sondage permet de s’assurer que vos apprenants ont bien compris vos explications. La fonction diviser permet de créer des groupes de travail exactement comme en présentiel.
La lenteur de la simultanéité
Les problèmes purement techniques
La technique devenant déjà de plus en plus fréquente en cours, nous étions habitués à devoir faire face aux problèmes techniques, et à avoir éventuellement une autre activité sous le coude « au cas où »… Là, on a un changement d’échelle, car c’est parfois le cours lui-même qui est ralenti par les problèmes de connexion, indépendamment de l’activité. Les problèmes se règlent en général assez bien sur Zoom, mais cela prend à chaque fois un peu de temps, qui ne peut ensuite plus être utilisé pour faire des exercices…
Les changements induits par la technique
Le professeur doit prendre également le temps de vérifier la connexion de chaque étudiant, éventuellement en les saluant individuellement à leur entrée dans la salle de cours. Il doit parler également un peu plus lentement et clairement, afin de se faire comprendre malgré l’absence de contact direct et les problèmes de connexion… encore du temps qui s’envole !
Les étudiants doivent jouer avec leur micro (on/off) lorsqu’on les interroge, et lorsqu’ils n’ont pas ce réflexe, c’est encore quelques secondes de perdues à chaque intervention. Cela n’a l’air de rien, mais au final, le cours est beaucoup plus lent.
Moins de contrôle, plus d’autonomie
Éparpillement numérique ?
On peut moins contrôler les étudiants qui vont avoir davantage tendance à s’éparpiller entre plusieurs fenêtres… et à clavarder. Cependant, ces interactions sociales sont appréciées des apprenants, qui en manquent cruellement actuellement. Il faudra voir ce que cela donne hors confinement. La concentration sur le cours peut néanmoins éventuellement en souffrir.
Ambiance de classe
Il est clairement plus difficile de créer une bonne ambiance de classe lorsque chacun reste chez soi et que personne ne connaît les autres participants. Pourtant, à travers les salutations rituelles personnelles de vérification de la connexion et le travail en groupe, une petite ambiance s’installe timidement après quelques rencontres virtuelles. Et cela peut aussi être amusant de penser à se retrouver ensemble en dehors des cours… Cela facilite également les réflexes de recherche d’un correspondant des apprenants, étant donné que la plupart des interactions ont déjà lieu en ligne…
Des tests intelligents ?
Comme je le disais en introduction, les universités font face à un problème spécifique : les cours doivent être évalués et les étudiants notés. Comme s’y prendre ? Certains professeurs optent pour le contrôle continu, et en cours de langue, c’est certainement un outil permettant de s’assurer un apprentissage plus efficace. A moins que…
Même en contrôle continu, les petits tests proposés doivent évoluer, puisque les étudiants peuvent regarder à tout moment dans leur livre. On peut penser que l’heure est désormais aux tests « intelligents », pour lesquels bachoter ne suffit plus. Il faut faire preuve de réflexion et réutiliser les savoirs acquis en mobilisant des compétences acquises en cours, et non plus « recracher » bêtement… Et cela, c’est sans doute positif, même si cela demande du travail au professeur pour leur élaboration !
Une opportunité pour les indépendants ?
La structure qui propose les cours fait des économies de salle. Cependant, le nombre de participants doit rester limité… C’est peut-être l’occasion pour les petites structures privées (et les professeurs indépendants) qui avaient des problèmes de place ou des frais de location de salles pour de petits groupes de se retrouver vraiment compétitives face aux grosses structures subventionnées comme les Instituts Français ou les universités… Et vous, cher.e.s collègues, en avez-vous profité pour vous lancer ?
Si vous y pensez, je vous conseille d’aller voir l’interview que j’ai faite de Nathalie Porte :