Connais-tu ce dicton de Sénèque qui dit que “le vent n’est pas favorable à qui ne sait où il va” ? Eh bien, si ce n’était pas encore le cas, c’est désormais chose faite 😉 !
Mais pourquoi est-ce que je te parle de navigation, alors que nous sommes ici sur un blog dont le sujet est l’enseignement des langues étrangères en général, et du FLE en particulier ?
En fait, Sénèque ne parle pas vraiment de bateaux non plus… Comme tu t’en doutes, il s’agit de souligner l’importance des objectifs : si on n’est pas clair sur son objectif, on ne risque pas de l’atteindre ! C’est un peu comme cette histoire du monsieur qui monte vite à l’échelle… alors que celle-ci n’est pas appuyée sur le bon mur !!
C’est la même chose pour tout, et cela fonctionne aussi pour l’apprentissage des langues étrangères : se fixer des objectifs clairs, cela peut aider ! Cela donne un cap, une direction… bref, c’est motivant ! Alors pourquoi ne pas demander à tes apprenant·es de s’en fixer ?
Se fixer des objectifs, pourquoi ?
En fait, il va s’agir de motiver tes apprenant·es grâce à ces objectifs. Cela leur permettra de savoir (ou de se rappeler) pourquoi ils et elles font leurs exercices et ainsi, de les faire avec plus de régularité. Et puis, quoi de plus enthousiasmant que de constater qu’on les a atteints ?
Deux cas de figure sont possibles, mais se fixer des objectifs est tout aussi judicieux dans un cas que dans l’autre.
Public volontaire
Si tes apprenant·es sont là volontairement, connaître leurs motivations t’aidera aussi à mieux préparer ton cours… Mais attention, ne perds pas de vue que ce n’est pas l’objectif 😉 : il s’agit pour eux de se fixer des buts réalistes. Tu trouveras plus de détail sur la manière de t’y prendre dans la suite de l’article (Se fixer des objectifs, comment ?). Tu peux aussi te servir des descripteurs du cadre européen commun de référence (CECR, une version résumée est disponible ici) pour leur proposer des idées d’objectifs concrets.
Public captif
Si tes apprenant·es n’ont pas fait le choix d’être là (à l’école par exemple), se fixer des objectifs devrait les aider à s’approprier la matière. Faites ensemble un remue-méninges sur les raisons d’apprendre le français, laisse-leur choisir ce qui les motive et aide-les à se fixer des objectifs clairs : être capable de se présenter, etc. et une date précise (avant Noel, à la fin de l’année, etc.).
C’est une manière de les responsabiliser, de les rendre plus autonomes malgré le cadre contraignant. Puisque de toute façon on est là, autant faire les choses sérieusement et chercher à atteindre ces objectifs qu’on s’est soi-même fixés.
Se fixer des objectifs, comment ?
Eh oui, se fixer des objectifs, d’accord, mais comment ? En effet, tous les objectifs ne se valent pas : certains manquent de précision, d’autres sont totalement irréalistes… Se fixer l’objectif de parler couramment français en trois mois a peu de chances de fonctionner (à moins, bien sûr, d’un cas particulier).
Tu le vois, il ne suffit pas de prendre pour objectif ce qui nous passe par la tête. Il y a quelques règles à suivre pour se fixer des objectifs efficaces.
La méthode la plus connue pour ce faire est celle qu’on appelle SMART. Oui, désolée ! L’acronyme donne un mot anglais, mais je t’explique tout en français, au cas où tu ne connaitrais pas encore le principe.
La méthode SMART permet de se fixer des objectifs efficaces en leur imposant des critères à remplir. Il s’agit donc d’être intelligent·e au moment de les choisir. Ainsi, les objectifs SMART doivent être :
- spécifiques : ils doivent être formulés de manière aussi précise que possible.
Tu vas me dire “On n’enseigne pas les maths !” Que signifie précis appliqué à une langue étrangère ?
Eh bien commençons par un contrexemple : “être capable de tenir une conversation en français” n’est pas un objectif précis, car on ne sait pas exactement ce que signifie « une conversation ». Cela ne dit rien de la durée de l’échange, du sujet du degré de précision à atteindre. Faut-il être en mesure de “donner son avis” ou pas ? Bref, je crois que tu saisis l’idée…
Un exemple d’objectif précis et concret serait « me présenter en trois phrases ».
- mesurables : on doit pouvoir savoir si les objectifs ont été atteints (ou pas).
Si on reprend l’exemple de la conversation, on ne sait pas à partir de quand la conversation sera considérée comme telle… En revanche, l’objectif « se présenter en trois phrases » est mesurable : l’apprenant·e est capable de faire trois phrases pour se présenter ou pas. C’est parfait !
- attractifs (on trouve parfois ici un synonyme d’accessible, mais je préfère cette version) : les objectifs fixés doivent donner envie de les atteindre, sinon tout cela ne sert à rien…
Se fixer des objectifs sans avoir envie de les atteindre ne sera pas très efficace, je pense que c’est assez clair ! Cela signifie qu’ils doivent être assez ambitieux (mais pas trop, voir le point suivant !).
- réalistes : les objectifs doivent pouvoir être atteints dans la limite de temps impartie.
Bien sûr, la dimension “réaliste” dépend souvent de l’échéance qu’on se fixe. Si “parler couramment français en trois mois” (qui n’est d’ailleurs pas très précis) n’est pas réaliste, peut-être que “parler couramment français en trois ans” le sera davantage…
- temporels : les objectifs doivent avoir des dates auxquelles ils sont censés avoir été atteints.
Eh oui, si on reste vague, on va remettre à plus tard, c’est bien connu !
Et concrètement ?
Eh oui, il va falloir y consacrer du temps au début du cours… mais c’est formateur pour tes apprenant·es et gagnant sur le long terme !
TRÈS IMPORTANT : célébrer !
Quand les objectifs ont été atteints, il faut penser à le célébrer ! Alors il ne s’agit pas d’octroyer une récompense fixée à l’avance… Cela, ça a plutôt tendance à démotiver. En effet, les recherches montrent que lorsque des enfants sont récompensés pour certaines tâches, celles-ci perdent peu à peu leur intérêt à leurs yeux. Apparemment, le cerveau se dirait qu’il doit s’agir d’une tâche désagréable, puisqu’on reçoit une forme de compensation pour l’avoir réalisée ! C’est rôle, n’est-ce pas ?
Alors que si on fait quelque chose “pour rien”, on en déduit qu’on aime ça et on continue ! C’est fou, n’est-ce pas ? Mais comme le succès est un facteur très important de la motivation (il permet de commencer à croire qu’on est capable d’atteindre les objectifs, un des éléments de la motivation), il est également important de marquer le coup et de savourer ! Cela peut-être de petites “cérémonies” toutes simple comme le fait d’être applaudi·e dix secondes par ses camarades… Ce n’est pas une récompense, mais bien une célébration !
Alors, es-tu prêt·e à fixer des objectifs avec tes apprenant·es ?