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La francophonie à l’honneur avec Geneviève Geron

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Intégrer la francophonie dans son cours de FLE

 

Geneviève Geron nous donne quelques pistes sur la manière dont nous pouvons intégrer la francophonie dans notre cours. Elle évoque également les conséquences positives d’une telle intégration sur la motivation des apprenants.

Vous trouverez ici le résumé de sa conférence Le français, une langue francophone à enseigner.

Aujourd’hui, je suis avec Geneviève Geron, que j’avais rencontrée lors de la Rencontre FLE organisée par les Éditions Maison Des Langues à Barcelone. Elle y avait tenu une conférence intitulée « le français, une langue francophone à enseigner » et c’est pourquoi j’ai absolument tenu à la rencontrer pour la semaine de la francophonie !

Question : Bonjour Madame Geron ! Merci beaucoup d’avoir accepté mon invitation et d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je voudrais commencer par vous demander si vous pouviez vous présenter.

Réponse : Je suis responsable facultaire des formations continues à l’université publique de Louvain. Je m’occupe donc des formations en didactique du français langue étrangère depuis plus de 25 ans, et notamment du stage international d’été en didactique du FLE mais aussi du certificat en didactique du français langue étrangère. À côté de cela, je suis aussi professeure de didactique du français langue étrangère dans une haute école c’est à dire dans une école supérieure qui prépare les professeurs de français à la fois pour enseigner avec un public adulte ou bien pour enseigner dans un collège.

Question : Justement, par rapport à cet enseignement de la didactique du FLE, est ce qu’il y a un aspect qui vous paraît particulièrement important ? Qu’est-ce que qu’est-ce que vous cherchez à transmettre aux futur·es professeur·es en particulier ?

Réponse : Oui bien sûr ! Donc une première chose en contexte francophone, c’est d’abord de leur expliquer que ce n’est pas parce qu’on est un natif francophone qu’on est capable de donner cours de français langue étrangère, ce que pensent parfois certaines personnes. Et donc c’est de leur montrer qu’effectivement, lorsque nous apprenons notre langue maternelle, nous apprenons beaucoup de choses de manière intuitive, que nous allons devoir expliciter en français langue étrangère. Il y a aussi des stratégies à devoir apprendre, plus également tout le volet interculturel, qui dans l’enseignement des langues et dans l’enseignement du français langue étrangère est quelque chose de très important

Question : Oui bien sûr, quand on apprend sa langue maternelle on a un apprentissage assez naturel et mais ce sont quand même des personnes qui ont appris des langues étrangères… Est-ce qu’elles ne font pas le rapport avec leur propre apprentissage des langues étrangères où elles ont eu elles-mêmes une réflexion sur la grammaire et à la culture de la langue ?

Réponse : oui parfois. Mais parfois le transfert n’est pas à faire parce que la langue étrangère a peut-être été apprise avec une méthodologie qui, aujourd’hui, n’est plus tellement celle qu’on propose de suivre et donc parfois ce n’est pas si évident pour eux de faire des transferts.

Question : D’accord, donc c’est important pour eux de découvrir les nouvelles méthodes employées en didactique

Réponse : Tout à fait ! Donc méthode communicative et actionnelle ce sont évidemment des méthodologies qui sont importantes aujourd’hui et qu’ils doivent effectivement apprendre.

Question : D’accord. Alors je vous avais rencontrée à la Rencontre de Barcelone organisée par les Éditions Maison Des Langues et vous aviez tenu une conférence très intéressante sur « Le français langue francophone à enseigner » et dans laquelle vous insistiez donc sur l’importance de la francophonie dans l’enseignement de cette langue et vous aviez souligné notamment le fait que le français a une image assez élitiste

Réponse : Tout à fait. Donc on se rend compte par des études encore très récentes que l’image de la langue française est une image à la fois élitiste mais une image aussi très esthético-culturelle, c’est-à-dire qu’on y colle des images d’une nouvelle langue d’une langue d’une sonorité agréable, d’une langue d’une grande culture, avec une littérature avec une gastronomie avec une mode intéressante, donc finalement quelque chose d’assez élitiste mais aussi d’ assez esthético-culturel, et pas du tout une image d’une langue pratique. Et ça, je pense que c’est dommage, et je pense qu’effectivement comme je le disais à Barcelone, que, dans l’apprentissage de la langue, via l’ouverture à la francophonie, eh bien on peut peut-être faire changer cette image de la langue et rendre l’image de la langue française plus ouverte, comme celle d’une langue moderne, une langue vivante, dont on a besoin à la fois pour travailler et pour voyager et pas simplement comme celle d’une langue semblable à une langue morte, c’est à dire une langue que l’on étudie parce qu’elle est jolie, parce qu’elle a une grande littérature.

Question : Et donc ce que vous essayez de faire, en ré-incluant la francophonie dans le cours de français, c’est montrer qu’il s’agit d’une langue qui est parlée dans le monde entier ?

Réponse : Effectivement, je pense que c’est un atout important, dans le contexte de mondialisation actuelle, de montrer que la langue que l’apprenant·e est en train d’étudier est une langue qui va lui servir pour aller à Paris bien sûr, pour aller en France mais qui va aussi lui servir pour aller à au Canada, à l’île de la Réunion, au Maghreb, dans un pays d’Afrique noire… Donc je pense que c’est important aussi de montrer que cette langue est répandue, que c’est important au niveau rentabilité de l’apprentissage aussi de se rendre compte que c’est une langue qui va servir et que c’est une langue qui est utile.

Question : D’accord ! Donc en fait, ce que j’aimerais bien comprendre, c’est en quoi le fait de voir que c’est une langue qui est parlée dans le monde entier lutte contre cette image élitiste.

Réponse : Je pense que ça donne une image de la francophonie qui est une image plus proche des gens et donc plus proche de la réalité. Ça donne un peu plus de sens aux apprentissages un peu plus de sens à la langue que l’on est en train d’apprendre. Ce n’est pas une langue réservée à la culture, à cette élite qui pouvait comprendre la littérature française. La langue que je suis en train d’apprendre, c’est la langue qui sert de trait d’union entre des peuples et c’est avec ces peuples-là que je veux pouvoir parler. Ce n’est pas une langue réservée à une élite, c’est une langue de communication avant tout.

Question : Alors justement, le fait d’enseigner le français comme langue francophone finalement, c’est le remettre en contexte dans un bain culturel.

Réponse : Oui c’est très important ! Et ça, comme je l’ai expliqué à Barcelone, c’est parfois un peu dommage de voir que dans certains manuels, heureusement ça change et j’en suis vraiment très heureuse, on ne fait pas de contacts virtuels suffisant avec la langue, avec la langue francophone. Jean Claude Beacco disait que c’était important aujourd’hui d’avoir ces contacts virtuels avec les cultures francophones différentes et ce sont vraiment des contacts virtuels qu’il faut avoir et pas simplement une description d’une culture. C’est vraiment utiliser la culture, utiliser des témoignages de francophones comme base de l’apprentissage de la langue. C’est ça qui est important.

Question : C’est vrai que souvent l’apprentissage du français, il intervient après l’anglais et l’anglais, c’est aussi une langue parlée dans le monde entier mais sans doute l’aspect culturel n’est pas aussi accentué : on l’enseigne comme une lingua franca qui n’est pas vraiment un ancrée dans une culture. Je pense que vous avez raison : ça peut être vraiment très intéressant de de faire la différence avec le français. C’est paradoxal parce que finalement, on arrive à faire du français une langue actuelle en œuvre et ancrant dans les cultures francophones alors que l’anglais c’est le phénomène inverse qui se passe

Réponse : Tout à fait, mais je pense que justement c’est une de nos forces, parce que ça veut dire aussi qu’en travaillant plus proche des gens et en recontextualisant, on peut aussi faire passer des valeurs, on va aussi faire passer des messages. Et ça je pense que c’est aussi le rôle d’un professeur de FLE notamment dans la période où l’on vit aujourd’hui de se dire que nous sommes aussi des passeurs de culture. Ça veut dire ouvrir des personnes à l’altérité culturelle aussi et qui te permet de travailler ses cultures de manière à ne pas les hiérarchiser et à peut-être faire valoir aussi à une valeur de respect de la France et ça je pense que en tant que professeur de langue et en tant que professeur de français langue étrangère c’est aussi notre mission à travers cet apprentissage de la langue

Question : Oui effectivement, c’est une belle mission complémentaire ! Alors en fait justement, le fait que le français soit parlé dans le monde, c’est un héritage du colonialisme et là je voudrais en fait aborder ce sujet un petit peu polémique. Donc c’est un héritage du colonialisme : comment parler de cela en cours de français langue étrangère ? Comment mettre en valeur les aspects positifs de la francophonie mondiale tout en tout en reconnaissant le fait que c’est un héritage historique d’un du fait colonial ?

Réponse : Alors je pense que c’est quelque chose qu’il faut aborder tout à fait ouvertement. Et je pense que l’on peut expliciter justement la présence de la langue française en repartant des deux grandes périodes qui ont fait que le français est réparti sur les cinq continents en partant à la fois de la période du 16e siècle, qui était la période où on faisait les grandes découvertes, on cherchait des chemins pour le commerce etc. et puis cette période du 19e siècle qui est la période du colonialisme. Mais je pense que je vais reprendre une phrase célèbre de Léopold Sédar Senghor, qui disait : « Dans les décombres de la colonisation, nous avons trouvé cet outil merveilleux la langue française. » et je pense que c’est ce côté-là que l’on doit retenir, c’est à dire qu’on doit retenir qu’on a la chance aujourd’hui d’avoir une langue qui est partagée par toute une série de peuples. C’est cet outil-là que l’on doit garder. Je sais qu’aujourd’hui certains peuples, je pense notamment à l’Algérie qui n’a jamais voulu rejoindre l’organisation internationale de la francophonie, et je pense qu’aujourd’hui cette organisation internationale de la francophonie veut d’abord promouvoir le plurilinguisme et la multiculturalité. Je pense qu’on n’est pas en train de dire le français contre l’anglais, mais on est en train de dire le français avec l’anglais, avec d’autres langues : c’est ce message-là je pense, qui est un message beaucoup plus positif, qui est beaucoup plus réaliste aussi. On ne doit pas aller comme on l’a fait à la période coloniale, c’est à dire imposer la langue mais partager une langue avec d’autres et avec d’autres cultures et avec d’autres langues, et ça je pense que c’est une façon de revisiter notre histoire. On ne peut pas l’effacer, mais on peut justement montrer qu’on avance aujourd’hui de façon tout à fait différente et qu’on peut garder cette richesse finalement, de cette présence de la langue française sous les 5 continents, en la gardant comme trait d’union avec des peuples. Des peuples qui ont, oui, des cultures différentes, qui ont des traditions différentes, mais qui nous permettent de nous enrichir mutuellement.

Question : J’aimerais vous demander si vous aviez des conseils pour les professeurs de FLE qui enseignent dans un pays non francophone et qui n’auraient pas le choix de leurs manuels.

Réponse : Je pense que même si on n’a pas le choix de son manuel, on peut de toute façon utiliser les manuels qui existent déjà, d’autres manuels, on peut s’en inspirer. Mais même si on n’a pas ces manuels à notre disposition, je pense qu’on a aujourd’hui via internet accès à pas mal de ressources sur la francophonie : je pense évidemment à TV5 Monde qui est une mine d’or évidemment pour des documents authentiques francophone, sans oublier leurs versions TV5 Afrique, TV5 Québec, avec énormément d’émissions, que ce soit Destination Francophonie, 7 jours sur ma planète, ça bouge en francophonie… Il y a vraiment énormément de documents. On a aussi l’accès à tout le matériel que RFI propose. Vous avez notamment un portail très bien fait : le portail du FLE dans lequel il met aussi pas mal de ressources à disposition des professeurs de français langue étrangère ; il y a ce que le site de l’OIF propose : vous pouvez sans problème obtenir des cartes de la francophonie pour mettre dans vos classes ou du matériel et il propose aussi des fiches qui présentent cette francophonie institutionnelle et avec lesquels on peut travailler. On peut également travailler avec des ouvrages comme Civilisation progressive de la francophonie ou avec le magazine des francophiles et des francophones. Il y a, je pense, pas mal de matériel à disposition des professeurs de français langue étrangère pour pouvoir ouvrir leurs classes à la francophonie et insérez la francophonie, même si on est obligé de suivre un manuel qui reste majoritairement franco-français.

Question : Ça voudrait dire insérer de petites capsules qui ne sont pas forcément connectées aux manuels, ou qui seraient sur le même thème que l’unité qui vient d’être faite, mais qui viendrait dans notre fil.

Réponse : Oui, mais peut-être pas le faire comme on l’a fait très souvent dans les manuels, c’est à dire qu’on les ajoute simplement comme pages « culture » à la fin d’une leçon, mais vraiment se servir de ces documents authentiques comme base de l’apprentissage, un petit peu comme le manuel Défi l’a fait récemment en intégrant la culture francophone comme base de l’apprentissage. Vous avez d’autres manuels comme Saison comme Edito et Entre-nous qui utilisent du matériel et des documents authentiques francophones pour apprendre à décrire une personne au niveau vestimentaire ou bien à parler du temps. On peut se servir de ces documents francophones aussi comme base de l’apprentissage et pas simplement, comme on l’a fait trop souvent, comme simplement pages « culturelles » en fin de leçon. Ne pas l’utiliser comme simplement ouverture descriptive d’une autre culture mais de se servir de ces documents aux francophones pour montrer qu’avec ces documents francophones, on peut aussi apprendre la langue française.

Et vous pouvez aussi insérer cette contextualisation francophone même dans nos tâches : quand on demande de présenter une personne, on peut demander de présenter une personne célébrité francophone plutôt que simplement française. Je pense que ça ouvre les horizons. C’est donc dans nos tâches actionnelles que l’on donne en fin de leçon, qu’on peut aussi contextualiser dans un environnement francophone. Ce n’est pas encore dans les manuels, ça n’est pas encore très présent, et donc je pense que c’est encore à nos profs de FLE de contextualiser. Ça commence à venir un tout petit peu dans les manuels, j’espère que ça va encore se développer mais je pense que c’est important de contextualiser la langue dans des circonstances et dans des contextes francophones même lorsque je suis dans un pays non francophone.

Conclusion : D’accord ! Merci beaucoup madame Geron, d’avoir répondu à mes questions !

Réponse : Avec plaisir et j’espère que ça permettra aussi à tous les professeurs de français langue étrangère de motiver aussi peut-être leurs apprenant·es en ouvrant vers d’autres cultures vers d’autres vers d’autres horizons et que ça leur permettra aussi une plus grande créativité

Oui, en effet, je pense que c’est un enrichissement qui permet de motiver en effet.

 

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