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Enseigner l’autonomie ?

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Enseigner l’autonomie ?

 

Le défi des professeurs de Français Langue Étrangère aujourd’hui : enseigner l’autonomie ! Mais ne s’agit-il pas là d’un paradoxe ? Comment montrer à quelqu’un qu’il peut faire quelque chose tout seul ? C’est ce défi qui a lancé la mode des coaches

D’où vient cette mode des coaches ?

En effet, nous ne pouvons pas apprendre à la place de nos apprenants, simplement les aider à mettre en place les habitudes qui leur permettront de faire des progrès. Ces habitudes consistent donc à :

  • apprendre régulièrement du vocabulaire
  • faire des exercices de grammaire
  • exercer la compréhension en écoutant la radio, des podcasts, etc.
  • exercer la compréhension écrite en lisant des articles, des livres, etc.
  • s’entraîner à l’expression écrite en écrivant des textes
  • pratiquer la lecture à voix haute pour muscler la bouche et améliorer la prononciation

La seule chose que nous puissions finalement vraiment faire entièrement en cours, c’est d’expliquer la grammaire. Si on peut parler d’expliquer… car parfois, il faut juste appliquer, ce n’est pas non plus bien sorcier. Et puis, il y a de plus en plus de vidéos sur le sujet.

D’ailleurs, dans Le maître ignorant, Jacques Rancière parle d’un professeur ayant enseigné le français à des étudiants néerlandais alors qu’il ne parlait pas leur langue, simplement en leur demandant de lire chaque semaine un chapitre de Télémaque dans une version bilingue. A la fin du cours, les étudiants étaient capables d’écrire un essai sur le livre en français. Comme quoi, lorsque les étudiants sont motivés, tout est possible !

Est-ce bien le chemin à prendre ?

Mais ceci est-ce vraiment la voie ? Je me souviens d’une émission sur France Culture au cours de laquelle un enseignant de chimie à l’université partageait son expérience du retour au tableau et à la craie. Dans les évaluations, les étudiants avaient été séduits et appréciaient beaucoup le temps passé à dessiner au tableau les formules chimiques de molécules complexes. Ils préféraient de loin cette démarche à celle du polycopié distribué en cours, qui leur évitait de recopier. Et en effet, l’explication est tout simple : sur ce polycopié, les formules apparaissaient entières et toutes faites, alors qu’elles s’élaboraient sous leurs yeux en les dessinant au tableau. Savoir où commencer quand on dessine une molécule chimique complexe permet aussi de réfléchir à son fonctionnement et à sa construction. J’ai moi-même expérimenté cette différence entre Duolingo et les exercices de grammaire à faire à la main.

 

Aider à comprendre

Effectivement, en grammaire, nous expliquons les règles, et c’est déjà un travail un peu différent de celui d’un coach. Même si nous faisons de la grammaire inductive, il y a une « bonne » réponse. Ensuite, nous sommes également en mesure de valider ou de corriger cette réponse, ce qui n’est pas le cas d’un coach, pour lequel il n’y a qu’un objectif à atteindre.

 

La part de coaching : un apprentissage nécessaire

C’est vrai, les apprenants doivent s’entraîner suffisamment pour développer des automatismes. D’où nos jeux avec le dé, qui simulent une situation de création de phrase dans laquelle on doit trouver une forme précise, si possible sans devoir réciter toute la conjugaison. Ces jeux permettent de s’y entraîner en douceur.

Pourtant, nos apprenants oublient parfois que les exercices en classe ne suffisent pas. Ils ne constituent qu’un début et ils doivent, à la maison, apprendre, c’est-à-dire réciter par cœur… C’est là qu’une part de coaching entre en jeu : nous les aidons à prendre les habitudes citées plus haut.

C’est le cas en grammaire, mais aussi pour la prononciation, où les exercices en classe ne peuvent que montrer la voie, et pour le vocabulaire, peut-être le dernier cas où il est encore clair pour les apprenants qu’il faut apprendre par cœur…

 

Entraîner en vue de situations réelles

Notre objectif final est bien que l’apprenant soit capable, en situation réelle, de s’autocorriger. C’est pourquoi certains enseignants adoptent pour « corriger » l’oral, ou plutôt pour encourager « l’autocorrection » de l’oral l’attitude d’un locuteur natif qui ne comprendrait pas. Cela met l’apprenant en situation authentique et l’entraîne à s’expliquer en cas d’incompréhension dans la vie réelle. Cela l’encourage à s’autocorriger, à développer des stratégies en cas d’incompréhension de la part de son interlocuteur.

Dans ce cadre, au cas où l’apprenant n’y parviendrait pas, l’enseignant est là pour le soutenir, en lui posant des questions peut-être plus précises, à la manière de Socrate, pour l’aider à clarifier sa pensée. L’objectif (l’espoir) du professeur est que l’apprenant se souvienne de ce qu’il a expliqué en classe et l’utilise en dehors de celle-ci pour se faire comprendre.

 

Nous ne sommes pas des coaches

A mon avis, il est risqué de ne plus voir les professeurs que comme des coaches. Ces derniers peuvent enseigner n’importe quelle matière, à la manière du maître ignorant de Rancière. Ils ne disposent pas de connaissances, mais simplement de savoir-faire.

Ce n’est pas la manière dont je perçois ma profession. Je transmets certes un savoir-faire que je possède mais en montrant la manière dont il s’élabore. Je montre aussi par l’exemple, parce que, contrairement à un coach, j’ai des connaissances. Contrairement à un coach de foot, je ne reste pas dans la zone d’arrêt de jeu, je montre comment faire les passes 😉 !

Bien sûr, j’amène pas à pas vers l’autonomie. Mais pas à pas ! Je ne les jette pas dans le bain en leur demandant de faire seuls tout de suite et en regardant comment ils s’y prennent.

 

Et toi ? Comment vois-tu ton métier de professeur ? Es-tu un coach ?

Souhaites-tu apprendre avec un professeur ou avec un coach ?

Répond-moi en commentaire !

 

 

Cet article a 4 commentaires

  1. Danilo DE SOUSA

    En fait, ce que le maître ignorait, c’était la notion d’égalité. Il maîtrisait, par exemple, le français réussissant même à l’apprendre à des flammands sans avoir donner aucun cours. L’oeuvre philosofique de Rancière devient, donc, une oeuvre politique aussi.
    L’idée du « maître ignorant » est de montrer que nous sommes tous capables. Mais bien sûr, si je veux montrer à quelqu’un qu’il est capable, par exemple, d’apprendre le français, je dois moi-même parler le français. Comme ça je pourrai lui dire s’il est ou pas dans le bon chemin.
    Si non, c’est vrai qu’aujourd’hui on a des « maître » qui ne possèdent absolument aucun savoirs et qui vendent ou reproduisent des formules magiques complètement inefficaces.

  2. Prof Chopin

    Salut,
    Merci pour ces réflexions motivantes. Personnellement, je n’aime pas le terme de « professeur » qui renvoie trop à « celui qui dispense le savoir (je ne professe pas !). Je préfère le mot « enseignant » qui signifie « celui qui montre » (enseñar en espagnol = montrer). Le « coach », en français « entraîneur », est « celui qui entraîne », qui motive, qui donne l’énergie. J’aime bien aussi ce rôle.
    J’en ajouterais un dernier : le guide. Comme en jardinage, c’est « celui qui montre la voie, qui accompagne la croissance », dans notre cas l’apprentissage.
    Je considère que mon métier est à l’intersection des 3. Parfois on est plus enseignant, parfois plus entraîneur ou plus guide, cela dépend des élèves. Notre métier est une constante adaptation.
    Bonne continuation,
    Yohan

    1. Marianne

      Excellent ! En effet Yohan, enseignant, c’est un très bon terme ! Petite taquinerie : tu as quand même « Prof » dans ton pseudo ;-).

      1. Prof Chopin

        Touché ! Bien joué Marianne !
        C’est comme ça que mes élèves (je suis partagé sur ce terme : d’un côté ça fait bétail, de l’autre ils « s’élèvent » vers le savoir, c’est joli) m’appellent.
        Ici en Colombie, tout le monde est « Profe ! ». En plus ça fait très Blanche Neige !

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