Connaissez-vous l’intercompréhension ?

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Connaissez-vous l’intercompréhension ?

 

Sandrine Caddéo et l'intercompréhension

 

Avez-vous déjà entendu parler d’intercompréhension ? Savez-vous ce qui se cache derrière ce vocable quelque peu mystérieux ? Si ce terme n’évoque rien pour vous, vous allez découvrir dans cet article un univers infini de possibilités nouvelles ! Et si vous le savez déjà, j’espère quand même vous apporter quelques informations nouvelles et intéressantes. Dites-moi en commentaire si oui et quoi !

 

L’intercompréhension, c’est quoi ?

 

Une première explication

À l’origine, l’intercompréhension décrit une forme de communication dans laquelle des locuteurs s’exprimant dans des langues différentes (en général leur langue maternelle) parviennent à se comprendre. Aujourd’hui, on l’utilise surtout en parlant de compréhension écrite : il est possible de comprendre des textes écrits dans des langues non apprises si ce sont des langues de la même famille que des langues connues.

 

Un peu d’histoire

Il s’agit d’un phénomène observé dès 1913 par le linguiste Jules Ronjat entre des locuteurs de dialectes provençaux de l’occitan. Ceux-ci pouvaient se comprendre sans passer par la langue de l’autre, en continuant à parler la leur. Cette observation l’a amené à parler d’intercompréhension.

 

Quelques définitions

Depuis, les définitions foisonnent : en 2008, année de culmination du phénomène, une quinzaine de définitions différentes ont été publiées par des chercheurs. On peut tout de même les regrouper en trois catégories :

  • Les définitions pratiques : elles décrivent les pratiques (je sais : incroyable !)

L’intercompréhension fonctionnelle entre langues, c’est par exemple […] un Français qui comprend un Allemand à Berlin ou qui renseigne un Italien à Paris, chacun parlant sa propre langue maternelle et comprenant la langue maternelle de l’autre.

(Castagne, 2007)

  • Les définitions didactiques : elle décrivent les pratiques didactiques

It is a specific approach to language learning and teaching, which aims to raise awareness, to developp the understanding of what we already know about the nature of language

(Araújo e Sá et al., 2010)

  • Les définitions cognitives : elles décrivent les processus cognitifs mis en jeu

Interkomprehension ist die Fähigkeit, in einer Gruppe von Sprachen, die einen gemeinsamen Ursprung haben, kommunizieren zu können.

(H.G. Klein & Reissner, 2003)

Celle-ci, je vous la traduis quand même : « L’intercompréhension est la capacité à communiquer au sein d’un groupe de langues ayant une origine commune. »

 

Des implications politiques et éthiques

 

Les documents officiels

L’intercompréhension entre langues d’une même famille est évoquée dans le CARAP (Cadre de Référence pour les Approches Plurielles des Langues et des Cultures), avec l’éveil aux langues, les approches didactiques basées sur les langues déjà connues et l’interculturalité (sur ce dernier sujet, n’hésitez pas à écouter ce podcast : https://culture-fle.de/aborder-linterculturel-en-classe-de-fle/ ou à lire les articles de ce carnaval : https://culture-fle.de/carnaval-darticles-sur-le-theme-de-linterculturel-les-articles/) Ce document propose déjà des descripteurs pour l’évaluer !

 

Une pratique pro-européenne

Enseigner l’intercompréhension en Europe aurait de nombreux avantages : cela permettrait de pouvoir suivre la presse des pays étrangers et de se tenir informé de leurs actualités sans avoir à passer par des traductions. Il faut savoir que 80% des locuteurs européens parlent soit une langue romane, soit une langue germanique comme langue maternelle. Si nous pratiquions l’intercompréhension au sein de la famille linguistique de notre langue maternelle avant d’apprendre une langue de l’autre famille (et d’appliquer à nouveau l’intercompréhension au sein de cette nouvelle famille linguistique), nous pourrions comprendre 80% des locuteurs de l’Union Européenne dans leur langue maternelle. Une perspective enthousiasmante, n’est-ce pas ?

 

Mais également éthique (eh oui, il y a une éthique pour les langues !)

D’autre part, l’intercompréhension permet de remettre les « petites » langues au même niveau que les autres. Tout le monde peut continuer à écrire (ou à parler) dans sa propre langue et être compris ! Et écrire dans sa langue maternelle est bien plus facile et avantageux que d’écrire dans une langue étrangère. Si vous avez déjà cherché à écrire des articles dans une autre langue, vous saurez de quoi je parle. Cela signifie que les anglophones de langue maternelle ont un avantage significatif dans le monde actuel. Or, dans un monde d’intercompréhension, ce privilège disparaît et nous sommes tous de nouveau à égalité. En effet, même si vous êtes un locuteur de roumain, grâce à l’intercompréhension, vous pourriez être lu dans tout l’espace roman (la Romania ?) dans votre langue maternelle. Exit l’anglais !

 

Testez-vous !

Vous voulez tester comment ça marche ? Je vous propose cette citation d’Umberto Eco :

Una Europa di poliglotti non è una Europa di persone che parlano correntemente molte lingue, ma nel migliore dei casi di persone che possono incontrarsi parlando ciascuno la propria lingua e intendendo quella dell’altro, che pure non saprebbero parlare in modo fluente, e intendendola, sia pure a fatica, intendessero il « genio », l’universo culturale che ciascuno esprime parlando la lingua dei propri avi e della propria tradizione.

Umberto Eco

Cela demande peut-être un peu de déchiffrage, mais vous avez très certainement compris le sens de de cette citation, n’est-ce pas ?

 

L’intercompréhension : Comment cela fonctionne ?

L'intercompréhension : comment ca marche ?

 

Les méthodes utilisées

C’est en rendant conscients les processus à l’œuvre de manière inconsciente lorsque nous pratiquons la compréhension écrite (et ce, quelle que soit la langue) que nous nous entraînons à l’intercompréhension. Pour cela plusieurs méthodes existent. Je vous avais parlé de la méthode des 7 tamis (EuroCom) dans un article précédent (vous pouvez le lire ici : https://culture-fle.de/ameliorer-la-comprehension-ecrite-la-methode-des-7-tamis/). Il existe également la méthode Eurom, dont Sandrine Caddéo nous parle dans le podcast de vendredi.

 

Des compétences utiles pour l’apprentissage en général

Une fois que vous avez pris conscience de ces processus et fait tomber les barrières psychologiques qui nous arrêtent souvent à l’entrée dans une langue « inconnue », il est possible d’utiliser ces compétences dans l’apprentissage des langues en général et d’accélérer sa compréhension écrite en particulier. Ces stratégies concernent en effet la compréhension écrite en général. Les utiliser de manière consciente améliore la compréhension de TOUTES les langues étrangères !

 

Faire tomber les barrières psychologiques

Maintenant, vous n’hésiterez plus devant un texte écrit dans une langue que vous n’avez pas apprise : un monde nouveau s’ouvre à vous ! Je me souviens de la sensation que j’avais éprouvé en lisant une contribution en portugais dans un ouvrage commun sur l’intercompréhension : c’était merveilleux, je pouvais (presque) tout comprendre ! Cela a fait disparaître toutes mes hésitations avant de me plonger dans un texte dans une langue que je n’ai pas apprise. Essayer ne coûte rien, et parfois, on a des surprises (de bonnes surprises !). Une langue que nous n’avons pas « apprise » n’est pas forcément une langue « inconnue ». On en connaît toujours un peu, il y a toujours des mots internationaux transparents !

 

Partir devient plus facile

Lorsqu’un étudiant a appris l’espagnol et souhaite partir étudier au Portugal ou en Italie, il devrait vraiment se pencher sur cette technique qui lui permettra de mieux comprendre les cours. Car quel dommage de se limiter aux pays dont on a appris la langue ! Avec l’intercompréhension, de nouvelles possibilités de voyage s’ouvrent à vous !

 

Bref, vous l’aurez compris, j’aime beaucoup cette idée de l’intercompréhension. J’espère qu’à vous aussi, elle vous aura plu. J’ai hâte de lire vos commentaires !

 

 

Cet article a 2 commentaires

  1. Aline

    Très intéressant, Marianne ! En tant que Suisse habituée à vivre dans un pays qui parle plusieurs langues, c’est quelque chose qu’on fait presque spontanément car depuis petite mes yeux se posent sur des inscriptions dans toutes les langues sur les emballages, panneaux, etc. Bien sûr, j’ai fini par apprendre l’allemand, du coup c’est de la triche 😉 Mais je n’ai jamais appris l’italien, et pourtant c’est assez facile de comprendre le contexte et de « reconnaître » les mots, comme ton exemple le montre si bien !

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